Les thés pour toujours chez Alexander Nicolau …
En préambule Alex et pour ne pas déroger à la règle, quelques mots sur ta personne ?
Je suis originaire de Grenoble et ingénieur de formation. Une école de chimie à Strasbourg fin 99 puis un service national sur l’île de Malte dans le domaine de l’anti-pollution par hydrocarbures. Le Japon à ce moment-là était dans ma tête car j’étais un peu fasciné par le pays et j’ai eu mes premiers échanges avec des nippons à Malte. En 2004, en poste à Londres à la Fédération Anti-pollution des Pétroliers, on me confie une mission à Kobé où je tombe très rapidement amoureux du pays avec sa découverte et non plus au travers de l’image et des récits qui me captivaient. Ma première mission s’est alors forcément très bien passée et chaque fois qu’il y a eu besoin d’envoyer un expert en terre japonaise il va de soi que j’étais le premier des volontaires. De plus, j’étais attendu par les japonais qui étaient contents de me voir revenir tout simplement parce que je m’étais coulé dans le paysage local où je n’arrivais pas comme l’occidental fort de ses certitudes et ce dans une situation qui était toujours très tendue, pollution oblige. J’ai dès lors beaucoup appris en observant et en me berçant dans cette harmonie locale, ce qui m’a incité à quitter mon travail pour un VVT qui m’a amené à Okazaki (banlieue de Nagoya) dans une école de japonais. Localement, je donnais des cours de français et d’anglais car il y avait une demande notamment chez les adultes qui venaient y chercher un loisir et échanger avec des étrangers. De cet enseignement et de ma pratique de leur langue, je me suis nourri de la rencontre aux autres …
(NDLR : A ce moment de l’interview, je fais une pause pour savourer de la glace artisanale au Hojicha et aux marrons réalisée par Alex avec du thé d’été. Les thés de printemps qui sont les meilleurs parce qu’ils poussent plus lentement sont réservées à la décoction. Les récoltes qui encadrent celle de l’été serviront à faire des boissons dans la grande distribution ou ici … de la glace !)
Parallèlement, je cherchais un emploi mais la recherche n’a pas été fructueuse alors je suis parti à Singapour pendant 5 ans sur une opportunité professionnelle trouvée toujours dans la prévention des pollutions marines. Toutefois avec l’idée de revenir un jour au Japon car il y avait un sentiment d’inachevé et je savais que je voulais y faire quelque chose. Dans ce pays aux quatre saisons, fait de mers comme de montagnes en passant par les forêts, avec son histoire et sa culture, j’y retrouvais un peu la France à l’autre bout du monde.
Alors comment tu y es revenu ?
Une formation de quelques jours à Singapour en école de commerce m’a incité à faire un MBA; il en existait un qui venait de débuter un partenariat avec l’université de Waseda. Pendant 10 mois, j’ai étudié et travaillé sans relâche sur ce programme intense et cela m’a permis d’avoir des contacts avec des compagnies japonaises chose quasiment impossible si on n’a pas fait un cursus universitaire local. Une amie m’a alors incité à réaliser une étude sur les vins au sein de la compagnie Suntory. La population de Singapour sur qui nous avions fait des tests en aveugle a été conquise par le gout de certains vins blancs japonais qui sortaient du lot. Reçu royalement chez Suntory, c’était une opportunité pour moi d’aller travailler chez eux pour développer à international la société dans l’innovation et cela a été mon travail pendant huit ansJ’ai alors reçu pour mission de créer des collaborations en recherche et développement, notamment avec des start-up, des universités et divers industriels aux Etats-Unis, Europe, Israël, Singapour et d’autres pays auxquels je présentais le centre de recherche de Suntory dans le Kansai. Huit années passionnantes à voyager mais pour autant une passion ancienne pour le thé affleurait toujours. Mais pas le thé distribué en bouteilles via les conbinis ou les distributeurs et tant éloigné de ce que j’aimais dans la philosophie du thé. Je sentais que le thé vrai se perdait, ce thé que j’avais découvert en Chine, à Taïwan et bien sûr au Japon. Le thé du Japon a évolué différemment de celui de la Chine ; ici ils ont développé un thé qui leur est propre notamment au travers des thés passés à la vapeur et évidemment aussi du matcha où tous les bienfaits médicinaux sont présents. Je vais alors quitter Suntory…
Aussi à Kyoto, en voyant les gens qui voyagent tellement pressés je me dis qu’il y a un espace à prendre où se poser pour parler, pour étancher leur soif de découvertes, je me sens prêt à leur offrir une ouverture sur un trésor avec une approche différente.Ma démarche est aussi bien pensée pour les touristes que pour les japonais que je veux attirer avec des préparations françaises à base d’ingrédients japonais car je me suis rendu-compte que certains avaient oublié le thé de leur pays … C’est pourquoi dans ma boutique, j’ai rassemblé des thés de toutes les régions propres à satisfaire tous ces japonais. Je tiens à rappeler que même si la quasi-totalité du thé japonais est vert, il existe plus de 50 variétés de thés nés de croisements divers développés au Japon. Le thé rouge (appelé noir par erreur par les Anglais) quant à lui commence également à se développer et il est succulent. Comme je vivais à Kyoto je me suis dit c’était la location idéale, dans une ville emblématique et proche de champs de thé. J’ai voulu avoir un local à l’ancienne rappelant une Machiya pour y créer un espace unique. Ici c’était une ancienne laiterie, fermée depuis des années, où on entreposait et distribuait du lait et des glaces. Tout était à reconstruire mais ce qui m’a convaincu c’est qu’il y avait un jardin à l’arrière du local. Ne restait plus qu’à y apporter du bois, de la pierre, de la verdure et de l’eau …Cet agencement je l’ai pensé avec des artisans pour créer une atmosphère que j’avais en tête. Par exemple je voulais un comptoir incurvé et seul un arbre qui avait poussé au bord d’une rivière pouvait donner une forme arrondie donc harmonieuse propre à la philosophie du lieu et ce comptoir a vu le jour. Et dans cet esprit le reste de l’agencement a suivi.
Malheureusement quand les travaux ont été terminés, le Covid était toujours là et plus dévastateur que jamais… Toutefois je reste positif et je me dis que mon « espace d’expérience de thés » qui associe ancien et moderne aura son heure d’épanouissement. Dans ce lieu, ce n’est pas tant une finalité commerciale que j’ai voulu développer mais un objectif culturel d’amélioration de l’humanité.
En effet, plusieurs choses rapprochent les humains : la musique car on n’a pas besoin d’être musicien pour être touché; les sons parlent à tout le monde. L’alcool également et tout le monde sait au Japon combien est vivace la culture du nomikaï, toutefois avec un bémol notable pour la santé et l’épanouissement.Enfin le thé car il reste la boisson la plus bue dans le monde après l’eau même si elle a perdu de sa noblesse passée. Tout cet esprit de partage, de calme et d’échanges c’est la philosophie que je veux faire vivre chez Mandaracha. Le tout allié à un moment pédagogique de partage d’informations sur la boisson que je veux de qualité car je vais la chercher chez des producteurs qui mettent leur cœur et leur passion dans leur métier ô combien difficile. Voilà quelle est ma philosophie de vie où dans le thé japonais je me retrouve : zen …
Avec le recul et la crise sanitaire, si c’était à refaire ?
Avec tout ce que je sais à l’heure actuelle et après toutes les étapes franchies qui m’ont permis d’arriver là. Je n’ai pas de regret, toutes celles-ci se sont succédées de manière naturelle. J’ai su agir en m’engageant sans retour aux moments où j’ai reconnu le destin, en accord avec moi-même. Si certains veulent en savoir plus, je suis disponible pour parler et échanger. Aussi n’hésitez pas à me contacter et mieux à venir me rencontrer …Merci à Alex pour ce moment intime de partage.
Rappelons qu’il est présent pour sa boutique sur Instagram et professionnellement sur LinkedIn mais aussi sur: