Association francophone d'aide à la recherche d’emploi au Japon

Témoignage – Florent Dabadie

Quel a été ton itinéraire pour venir au Japon 

J’ai fait quatre années d’études aux Langues’O, dont une grâce à la prestigieuse bourse du ministère de la culture du Japon,à l’université de Shizuoka. Je voulais absolument tenter ma chance dans la vie active à Tokyo, j’ai trouvé un VSNE chez Hachette Japon, au magazine PREMIÈRE. 

Au cours de mes études de japonais qui étaient très axées sur la grammaire, les kanjis, je faisais régulièrement des « heures sup » le soir pour parfaire l’oral.

Lire des bouquins japonais à voix haute, regardez des téléfilms en VO, très ludique car les journées étaient déjà assez lourdes ( 20h de langue et civilisation japonaise par semaine).

J’ai également eu la chance de venir deux fois trois semaines l’été à Tokyo et Hokkaido à la fin de la première et de la deuxième année d’études. C’est là que j’ai su que je voulais vivre au Japon; c’était juste après l’explosion de la bulle en 94, pourtant il y avait encore une atmosphère d’abondance et de joie générale étonnante.

Le même genre de vibes que j’ai eu à New York à la fin des années 80, les deux villes étaient à leur apogée.

Je ne peux pas dire pour autant que ça été facile pour moi de trouver du travail, le Japon était paradoxalement déjà assez fermé à l’étranger.

J’ai dû faire d’immenses efforts de mimétisme pour m’intégrer. En fin de comptes, même après 25 ans ici, je n’ai jamais réussi à devenir japonais, peut-être que je n’ai jamais voulu. 

Ton travail actuel et comment te sens tu vis à vis des Japonais 

J’espère que ma réponse ne sera pas perçue comme de l’amertume, mais après 20 ans de travail ici, j’ai longtemps espéré obtenir dans mon métier (les médias japonais) une espèce de promotion, plus de responsabilités; j’ai animé des plateaux du direct de grandes émissions nationales pendant dix ans,  je suis passé d’abord par reporter, assistant de production.

J’ai tout fait. Mais le poste de vice-rédacteur en chef ou de co-producteur n’est jamais venu.

Les Japonais préparent leur entrée dans le monde du travail nippon depuis le plus jeune âge, c’est comme l’ENA, en fait ils sont tous un peu énarques et on ne les doublera pas parce qu’on est différent ou très cultivé, ou parce qu’on a une grande intelligence.

Il faut faire tous les grades, monter dans l’armée, on n’est jamais parachuté Colonel du jour au lendemain. Et comme ce le fut longtemps dans l’armée américaine d’ailleurs, il n’y a pas beaucoup de minorités aux postes de commande. Au Japon c’est pareil. Le plafond de verre existe pour nous les étrangers qui ne représentent que 2 pour cent de la population, mais aussi pour les femmes, pour les handicapés, pour toutes les minorités.

Il faut vite faire la part des choses. Si je sacrifie mon ambition, si je ne suis pas carriériste, qu’est-ce que je veux faire ? Pour moi ça été radical, après vingt ans j’ai commencé à me retourner vers mon pays, à lire des romans français, essayer d’apprendre à nouveau ma propre culture, faire l’effort d’y voyager plus l’été ou à Noël.

Je me sens comme un moine Zen, j’ai fait le tour du cercle, j’ai combattu, j’ai appris, j’ai médité, aujourd’hui je dois revenir chez moi en tant que messager. 

Quels conseil pourrais tu donner à des jeunes qui vivent actuellement au Japon ou qui souhaiteraient s’y installer , 

C’est une question très difficile. J’ai toujours essayé d’aider les jeunes dans cette position mais comme je n’ai pas de poste à responsabilité je ne peux pas employer d’assistants. Sauf si j’avais crée ma propre entreprise. Pour ceux qui souhaitent s’y installer je dirai partez du principe que vous allez sur Mars.

Au début c’est super excitant, la terre est rouge, le soleil est à l’envers, les martiens sont cools, et on apprend tous les jours. Et puis un beau jour on n’a plus d’oxygène, on a chaud on a froid, on s’aperçoit que l’effort d’intégration était immense et qu’on a vieilli deux fois plus vite.

C’est un sacré pari, à quitte ou double, il faut être prêt à mettre tous ses œufs dans le même panier japonais et espérer qu’on s’y acclimate. Pour ceux qui y sont déjà, je dirai déjà bravo d’avoir eu le courage de sauter dans le bain. Maintenant le plus dur c’est de durer.

Faites-vous des amis locaux car les japonais sont très fidèles, ils n’iront pas à l’encontre de leur société, ils ne pourront pas vous trouver du travail mais ils seront toujours là pour vous écouter, sincèrement.

Vous devez sortir beaucoup car au Japon on marche encore beaucoup au relationnel. Sachez que pour se faire accepter il faut travailler comme un japonais, quand on a moins de 35 ans c’est souvent 10h par jour six jours sur sept, ensuite il y aura plus de liberté. Essayez de constamment travailler la langue japonaise, c’est une never ending story mais c’est nécessaire.

Sans l’outil de la langue c’est très compliqué, à moins que votre femme/homme soit japonais(e).  Jusqu’à 35 ans il n’y a pas d’erreur irréversible. Après, chaque mauvais choix au sein du marché du travail japonais peut-être catastrophique car rétablir une réputation/situation prend énormément de temps ici.  GOOD LUCK ???? 

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